Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région du bleuet sauvage
Les bleuets sauvages sont issus de petites plantes rases qui poussent de façon naturelle dans les zones forestières de la région du lac Saint-Jean. On pense que leur présence abondante est liée aux grands incendies de 1870, qui auraient rendu la nature du sol favorable à leur développement.
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Vous avez peut-être suivi sur Instagram mon court séjour au Québec fin août, à la découverte des bleuets sauvages canadiens, cousins de nos myrtilles européennes ! Avec mes chères Céline, Laëtitia, Alice, Laura et Lyloutte, nous avons en effet été invitées par la WBANA dans la région de Saguenay-Lac-Saint-Jean, et plus précisément à Dolbeau-Mistassini, capitale du bleuet sauvage, pour expérimenter la récolte et le goût du fameux petit fruit.
Pour moi qui ne connaissais absolument rien de cette culture, le voyage aura été très instructif, riche en belles rencontres; j’ai été touchée par l’importance incroyable que le bleuet a non seulement pour l’économie régionale, mais aussi dans le coeur, l’identité et l’histoire des habitants. Plus qu’une simple activité, le bleuet est leur drapeau, et une source de fierté.
Il est vrai que cette baie a tout pour plaire: sa jolie couleur, assez unique, sa saveur parfumée et légèrement sucrée, sans trop d’acidité, et ses propriétés santé remarquables (pouvoir antioxydant parmi les plus élevés de tous les petits fruits communs, action anticancéreuse, pouvoir anti-inflammatoire…). Nous en avons bien profité durant les quelques jours passés sur place, et cela me manque déjà !
En attendant de pouvoir un jour, peut-être, retourner goûter à ces délices de saison, je viens aujourd’hui partager avec vous quelques images et informations glanées pendant nos visites. J’espère qu’elles vous transmettront un peu de l’atmosphère que nous avons trouvée, et vous donneront envie à votre tour de découvrir les bons produits de la région !
LA CUEILLETTE DE BLEUETS EN FORÊT
Les bleuets sauvages sont issus de petites plantes rases qui poussent de façon naturelle dans les zones forestières de la région du lac Saint-Jean. On pense que leur présence abondante est liée aux grands incendies de 1870, qui auraient rendu la nature du sol favorable à leur développement.
Si, comme partout, une partie des terrains de la région a été déforestée pour servir à l’agriculture et à la construction humaine, il existe encore aujourd’hui de beaux massifs autour de Saguenay, dont l’écosystème préservé offre un lieu privilégié à la pousse des bleuets. Ils constituent une part non négligeable dans le domaine, rassemblant entre 1000 et 1500 cueilleurs par an, pour 3 millions de livres récoltées !
Nous avons découvert l’exemple de la forêt municipale de Normandin, gérée par une corporation de différents acteurs économiques de la région, afin de soutenir à la fois le développement local et un réel respect environnemental. Ici, une partie de la couverture de bleuets est réservée à l’intention des habitants: en saison, ceux-ci peuvent venir récolter leurs propres fruits pour un usage non-commercial. Une chouette activité familiale !
Nous avons pu en faire l’expérience nous-mêmes: la récolte est un labeur assez physique, puisqu’il faut être constamment accroupi ou plié en deux pour atteindre les grappes, mais quelle beauté ! Bien sûr, tout le plaisir consiste aussi à en picorer quelques-uns au passage…
On peut cueillir les bleuets à la main, mais la plupart des habitués utilisent des « peignes » pour les décrocher plus vite et en plus grandes quantités.
Ce cadre magnifique fait aussi partie de la Véloroute des Bleuets, un circuit de 256km ouvert à tous (cyclistes, mais aussi marcheurs, runners…), qui permet de découvrir les paysages et les produits typiques de la région.
LES BLEUETIÈRES, UNE HISTOIRE DE FAMILLE(S)
Il existe aussi dans la région un grand nombre d’exploitations de bleuets sauvages, qu’on appelle des bleuetières. Nous avons eu la chance d’en visiter une, celle de M. Saint-Pierre, président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec; entouré de son épouse, sa petite-fille et sa belle-fille, il nous a parlé avec fierté et passion de son activité.
Contrairement aux myrtilles cultivées, qui sont des hybrides spécialement conçus pour l’agriculture à grande échelle (voir la différence ici), on ne peut pas planter ou semer les bleuets sauvages: ce sont des plantes entièrement autochtones, saisonnières, et « innées » à la terre; en revanche, on fait tout pour favoriser leur développement, et pour que leur fructification soit généreuse:
Tout commence souvent par un brûlage de la parcelle, afin d’éliminer les arbres et enrichir le sol.
Lorsque les plants poussent, il faut ensuite désherber pour éviter la concurrence d’autres espèces qui pourraient faire de l’ombre et étouffer les bleuets, au prix d’une moindre récolte – comme les grandes fougères qui les entourent en forêt. Cette étape s’effectue manuellement en agriculture bio, ou avec des désherbants en agriculture conventionnelle, mais jamais durant l’année de fructification (les plantes produisent des bleuets une année sur deux).
Il n’est en revanche pratiquement pas nécessaire de prendre des mesures contre les différents ravageurs. La région étant située en zone boréale, peu d’insectes et de maladies s’y développent, car ils ne résistent pas au froid.
Enfin, au moment de la floraison, les producteurs louent les services d’apiculteurs qui apportent des abeilles sur le terrain pour assurer un maximum de pollinisation, et donc plus de rendement.
La fin de l’été signe la maturité des fruits, et c’est l’heure de la récolte.
Les exploitations sont très majoritairement petites et familiales; personne ne vit seulement du bleuet – c’est une activité secondaire, temporaire, un héritage culturel transmis de génération en génération.
Ainsi, au mois d’août, chaque famille se réunit sur sa parcelle pour camper ou habiter, le temps de quelques semaines, dans une petite maisonnette sur place appelée chalet.
La cueillette se fait mécaniquement, avec des petits tracteurs disposant d’un large peigne en métal sur le devant, qui permet de faucher les plantes et y récupérer toutes les baies. On commence à récolter avant l’aube, de nuit, et jusqu’au matin, car c’est là que les bleuets sont les moins fragiles et les plus gorgés de jus.
À l’heure actuelle, la région produit entre 60 et 70 millions de livres de bleuets chaque année !
Les fruits, encore mêlés à quelques feuilles et brins de bois, sont ensuite stockés dans de grandes caisses de transport. Ils seront vendus dans les heures qui suivent pour la transformation (notamment la congélation, mais aussi le séchage ou les préparations culinaires) ou pour être distribués frais sur les étals des marchés et grandes surfaces de la région.
Avec beaucoup d’émotion, M. Saint-Pierre a également évoqué les grandes difficultés rencontrées par les producteurs aujourd’hui: la concurrence internationale est rude (même au Canada, le bleuet local n’est pas toujours privilégié) et les prix baissent tellement depuis quelques années que de nombreuses bleuetières sont sur le point de mettre la clé sous la porte. La livre de bleuet a atteint la valeur minimale record de 30 cents (environ 20 cents d’€) en 2016; à ce stade, leurs activités ne sont pratiquement plus rentables.
Derrière les aspects financiers, c’est bien sûr tout un héritage culturel, une tradition familiale et régionale, qui sont menacés. Notre interlocuteur a évoqué ses souvenirs d’enfance, la cueillette des bleuets chaque été avec ses grands-parents et ses parents, puis la transmission à ses enfants, et maintenant à sa petite-fille, à qui il enseigne le métier. À ses yeux, il est essentiel que cette tradition continue, et que ses descendants puissent avoir les mêmes opportunités que lui.
Les bleuets, ici, on a ça dans le sang. Cela fait partie de l’identité locale: les habitants de Dolbeau-Mistassini sont eux-même désignés sous le nom de « Bleuets ».
Pour soutenir les quelques 350 producteurs du coin, M. Saint-Pierre nous a donc enjoints à témoigner du goût et de la qualité uniques des petites baies bleues du Lac Saint-Jean, et bien sûr à les plébisciter autant que possible (lors d’un voyage au Québec, ou sous forme transformée chez nous, même si c’est plus difficile à trouver): je fais passer le message bien volontiers !
AU DELÀ DU FRUIT: LA MISE EN VALEUR DES PRODUITS LOCAUX
Outre la production et la récolte, ce séjour nous a aussi offert un panorama assez varié de la façon dont ces fruits, ainsi que d’autres produits typiquement locaux, sont valorisés dans la région.
Si la perle bleue est source de richesse et d’emplois à la source, elle est aussi au coeur de l’esprit d’entreprenariat et d’innovation des locaux, que l’on sent particulièrement passionnés par leur terroir. Voici quelques exemples de très chouettes projets nés autour des myrtilles, mais pas seulement !
♥︎ Nutrableu: C’est grâce à la passion et à la persévérance des co-fondateurs de Nutrableu qu’aujourdhui, le bleuet sauvage de la région du lac Saint-Jean est distribué frais dans tout le Québec, et petit à petit, dans le reste du Canada. Avec un fruit aussi fragile, le pari a été très compliqué, mais cela commence à payer ! Vous retrouverez leurs produits sous le nom « Bleu Sauvage ».
♥︎ Délices du Lac Saint-Jean (photo): Cette entreprise familiale, composée d’une maman et de ses deux filles, s’est spécialisée dans la transformation du bleuet local. Leur boutique, qui constitue également un éco-musée, regorge de gourmandises autour de la petite perle bleue. Je vous conseille particulièrement la confiture de bleuets au sirop d’érable biologique, le chutney, ainsi que bien sûr la délicieuse tarte, que vous pourrez embarquer dans vos bagages.
♥︎ Microbrasserie La Chouape: Coup de coeur pour cette brasserie chaleureuse à Saint-Félicien, idéale lors des belles journées d’été: vous pourrez vous installer sur la mignonne terrasse au bord de l’eau, et déguster l’une de leurs créations locales. J’ai goûté la bière aux bleuets, et je l’ai adorée: aucune amertume, aucun goût sucré malgré les notes légèrement fruitées, et un maximum de fraîcheur !
♥︎ Chocolaterie des Pères: À Dolbeau-Mistassini, cette communauté de pères trappistes est connue pour sa production de chocolats gourmands. Il n’est malheureusement pas possible de visiter le circuit de fabrication, mais ne repartez surtout pas sans goûter leurs sublimes bleuets frais enrobés de chocolat noir.
♥︎ Fromagerie Ferme des Chutes: Cette ferme familiale propose des fromages artisanaux obtenus à partir du lait de leur centaine de vaches, élevées en agriculture bio à l’arrière de la boutique. Les deux références typiques de la région y sont proposées (le cheddar, et le fromage en grains, qui sert dans la poutine), ainsi que de sublimes yaourts frais. En saison, il y a du yaourt au bleuet du coin, bien sûr !
♥︎ Marché Wallberg: Ce grand local ressemble davantage à ce que nous appellerions un supermarché ou une grande surface en France. Il a été ouvert il y a quelques mois au coeur de Dolbeau-Mistassini par la coopérative des Deux Rives (qui rassemble nombre de producteurs, maraîchers, et autres entrepreneurs de la région) afin de vendre et promouvoir les produits locaux sans intermédiaire. Outre des rayons alimentaires plus traditionnels, vous y trouverez ainsi des bleuets frais du Lac Saint-Jean, bien sûr, mais aussi toutes sortes de bières, fromages, confitures, etc… confectionnés aux alentours. Le midi, vous pouvez également y prendre votre repas, là aussi préparé à base d’aliments régionaux.
♥︎ Ta Peau Ton Fruit: Tombée dans l’univers des bleuets dès sa plus tendre enfance, Amélie Fortin a eu l’idée, à 24 ans, de créer une gamme de cosmétiques profitant des propriétés extraordinaires du petit fruit bleu, notamment en termes d’action antioxydante. Son premier produit est un soin hydratant qui exploite la chair, la peau, mais aussi les pépins et la feuille du bleuet local. Associé à de l’extrait d’une petite baie australienne, la kakadu plum, le résultat donne une crème qui promet un maximum d’éclat ! Je la testerai cet hiver, mais en attendant, j’apprécie particulièrement les choix de fabrication (made in Québec) et de composition: tout est 100% naturel, vegan et cruelty-free.
OÙ TROUVER DES BLEUETS QUÉBECOIS EN FRANCE ?
À ma connaissance, c’est malheureusement un peu compliqué.
Les bleuets sont surtout importés en Europe sous forme surgelée, pour d’évidentes facilités de conservation, mais je ne sais pas si une marque en particulier les distribue; regardez bien les informations de provenance.
Quant aux produits transformés à base de bleuets, il faut se tourner vers les boutiques spécialisées: j’en ai trouvé ici, ici et là, si vous souhaitez tester un jour. Pourquoi ne pas surveiller également les stands canadiens sur les grands marchés de Noël d’ici quelques mois !
Source: https://www.mangoandsalt.com/2017/09/12/saguenay-lac-saint-jean-region-bleuet-sauvage/







